lundi 16 juin 2008 par Notre Voie

A la fin de son séjour de 24 heures en Côte d'Ivoire, avant de quitter Abidjan, le ministre français des Affaires étrangères a animé une conférence de presse à l'aéroport. Voici le texte intégral de ses échanges avec les journalistes.

Bernard Kouchner : Mesdames, Messieurs, je suis très heureux d'être venu en Côte d'Ivoire, mais moins content de partir (rire). Comme vous le savez, le président de la République, Nicolas Sarkozy, lors de leur dernière entrevue, à Lisbonne, avait dit au président Gbagbo que, dès que la date des élections serait publiée, nous comptions rétablir les relations normales avec la Côte d'Ivoire. Voilà le sens de ma visite, puisque les élections sont fixées au 30 novembre.
Il est tout à fait clair que notre entrevue avec le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, M. Choi, était nécessaire, puisque c'est lui qui certifiera le bon déroulement des élections. Bien sûr, moi, j'ai toujours déclaré que la France soutient le processus électoral dès lors qu'il est certifié par M. Choi. Et j'ajoute que nous soutiendrons le président qui sortira de ces élections du 30 novembre dès lors que ces élections sont certifiées par M. Choi, si ça se déroule de la meilleure façon. Nous en avons défini les modalités avec le président Gbagbo lors de l'entrevue très chaleureuse que nous avons eue. Si ça se déroule normalement, de ces élections certifiées par l'ONU, sortira un président de la République que la France soutiendra.
Voilà, j'ai vu très longuement MM. Gbagbo, Soro, Ouattara. Je voulais voir M. Bédié, malheureusement les conditions atmosphériques m'ont empêché. J'ai donc échangé longuement avec M. Bédié au téléphone. Nous avons eu aussi une entrevue avec la Commission électorale indépendante que la France soutient financièrement à partir de la semaine prochaine. Je suis très heureux de cet assemblage de la représentation de chacun des partis politiques sous la présidence d'un homme qui, lui aussi, garantira le bon déroulement de ces élections. J'ai vu, également, M. Badini, le représentant du facilitateur, le président du Burkina Faso, M. Blaise Compaoré. J'ai vu évidemment la force Licorne qui fait partie de ces forces des Nations unies et la société civile. Je tiens à souligner nos contacts avec ses représentants, l'Imam aussi bien que l'Archevêque, le représentant des femmes. L'avenir de l'Afrique passe par les femmes, l'avenir de la Côte d'Ivoire aussi. Et, bien sûr, les associations des Droits de l'Homme, le représentant du patronat du secteur privé. J'ai trouvé une invention formidable. Si la société civile se manifeste, ça sera bien. Et plus, elle se manifestera ensemble, mieux se fera le processus électoral.
Voilà, je crois qu'une page est tournée dans les relations entre la Côte d'Ivoire et la France. Je suis optimiste sur l'avenir. Il faut que tout ça se déroule bien. Nous aurons certainement quelques surprises. Mais je suis optimiste. Ces choses n'étaient pas imaginables, il y a deux ou trois ans. J'ai rencontré beaucoup de gens ; je pense que les relations de proximité d'affection entre la Côte d'Ivoire et la France ne font même plus d'état d'hostilité du tout. Je me prête à vos questions.

l Monsieur le ministre, vous avez dit que vous avez discuté avec le président Gbagbo et avec M. Choi des modalités pour une élection normale. Quelles sont ces modalités ?
Bernard Kouchner : Il n'y a pas de modalités. Il y a des impératifs pour le moment. Il faut que la sécurité soit assurée dans le pays. Le processus de désarmement n'est pas achevé, parce que j'ai l'expérience du processus de paix, ça prend le temps. Mais, il faut qu'un minimum de sécurité soit assuré. J'en ai parlé, bien sûr, avec la force Licorne, et j'en ai parlé surtout avec le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, avec le président Gbagbo, avec le ministre de l'Intérieur. Et puis, il y a des modalités financières dans lesquelles nous n'interviendrons pas, mais si nous pouvons apporter un soutien à ce processus, la France le fera. Il y a des difficultés qui ne sont pas des inconnues.
Théoriquement, la première liste électorale devait être publiée fin août, à partir de laquelle les gens sauront dans quel bureau de vote ils se trouvent. C'est très compliqué tout ça. Moi, je ne vais pas entrer dans ces modalités. Ce n'est pas mon rôle. C'est à l'organisation des Nations unies de prendre ça en charge avec les Ivoiriens. L'effort, c'était de dire à quel moment on organise les élections, comment identifier.

l Quelles sont les actions que vous comptez mener la semaine prochaine ?
B.K. : Déjà, j'ai visité le Lycée français qui a été pillé et brûlé. Je veux voir renaître ce lycée, le voir fleurir. Les parents qui étaient en Côte d'Ivoire viennent pour que leurs enfants reprennent. Il y a aussi le Centre culturel qui, avant la fin de l'année, va renaître. Je suis heureux du retour de RFI. J'ai dit au président Gbagbo qu'il y a des responsabilités des médias dans le processus électoral, leur rôle. Ils font partie du processus. Comme dans tous les pays libres et démocratiques, l'accès à l'information doit leur être garanti. Leur liberté doit être garantie.

l Monsieur le ministre, vous avez reconnu qu'il y a deux ans, les choses étaient inimaginables dans le sens de l'apaisement que vous avez décrit. Nous nous souvenons aussi que beaucoup de socialistes français avaient pensé que la Côte d'ivoire était devenue un pays infréquentable. Qu'est-ce qui a bien changé aujourd'hui? Qu'est-ce qui a provoqué cette rupture positive en France ?
B.K. : Je ne sais pas si les socialistes ont une responsabilité particulière. En France, il y a surtout eu nos propres contradictions au sein de la gauche. A droite, c'est pareil. Mais, aujourd'hui, c'est le pays qui a changé. Il y a eu une volonté marquée.
N'oublions pas que 15 000 Français sont partis, souvent dans la douleur, souvent dans le froid, avec beaucoup de souffrance. J'aimerais que cette page soit tournée et que certains reviennent, contents, heureux. J'ai vu des parents d'élèves du Lycée Blaise Pascal Voilà ce qui a changé. Il y a la date des élections qui est annoncée et j'espère que ça se passera bien.

lPensez-vous qu'au nom de ce changement, on doit oublier tout ce qui s'est passé ici en Côte d'Ivoire et pour lequel il n'y a pas eu d'enquête ?
B.K. : Il n'y a rien à oublier. Ni les événements de Bouaké ni les événements d'Abidjan, encore moins les douleurs des uns et des autres. Je pense qu'il était nécessaire, pas seulement pour la Côte d'Ivoire et la France, mais pour l'Afrique, en général, pour une politique de réconciliation, que cette page soit tournée.

lEst-ce que vous pensez que la date du 30 novembre pourra être tenue ? Et puis est-ce qu'on peut envisager une visite du président Gbagbo en France dans les jours à venir ?
B.K. : Je crois à l'annonce du président, je crois aux Ivoiriens, je crois que la date du 30 novembre sera tenue. Pour la deuxième question, la visite n'a pas été envisagée, mais la première étape vient d'être franchie.

l Comment envisagez-vous la sécurisation des élections par la force Licorne ?
B.K. : C'est une affaire des Ivoiriens, c'est une affaire des Nations unies. Nous avons fourni des soldats de la force Licorne. Mais la sécurisation des élections est d'abord l'affaire des Ivoiriens. Ne faites pas comme si la responsabilité de la communauté internationale était la principale. Ce n'est pas vrai.

l Avez-vous évoqué le cas d'Ibrahim Coulibaly qui a été condamné en France?
B.K. : On n'en a pas parlé. Je vous remercie.





Propos recueillis par César Etou Collaboration : Benjamin Koré

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