jeudi 14 février 2008 par Nord-Sud

Le pire a été évité de justesse hier à Grand-Bassam. Deux groupes de jeunes, Abourés de Moossou et N'Zimas (plus connus sous le nom d'Appolos) très en colère se sont retrouvés nez à nez sur le pont qui mène au « quartier France. » Ils s'étaient armés pour se livrer une bataille sans merci. Mais celle-ci n'a pas eu lieu grâce à la prompte intervention des forces de l'ordre. Les deux parties ont eu cependant le temps de se lancer des pierres. Bilan : un blessé léger de chaque côté. A l'aube de ce mercredi (5h30), des jeunes de Moossou se sont rendus au quartier France pour emmener manu militari un jeune Appolo qu'ils accusent d'avoir transgressé leur coutume. Celui-ci refusait, selon eux, de répondre à la convocation de leur notabilité. La jeunesse N'Zima a réagi en ligotant les ravisseurs. Rapidement, une rumeur s'est répandue les donnant pour morts. Les nouvelles parvenues aux jeunes du village de la Première dame ont même précisé que les leurs ont subi toutes sortes d'humiliations avant d'avoir été tués. Il leur aurait été dit que leurs frères ont été exposés nus au soleil avant d'avoir été jetés à la mer. Intoxiquée et remontée par cette version qui était loin de la réalité, la jeunesse de Moossou s'est organisée pour riposter. Celle du quartier France a eu vent de cette attaque et s'est préparée en conséquence. Les deux camps se sont croisés sur le « Pont de la victoire.» Une appellation qui remonte à la marche héroïque des femmes ivoiriennes sur la prison de Grand-Bassam pour réclamer la libération de leurs époux incarcérés par le colon.

L'histoire d'hier est partie d'une banale altercation portant sur la réparation d'une porte. C'est la porte de la maison que Assouan Stanislas loue depuis 20 ans au quartier France. Il est N'Zima et est l'un des principaux protagonistes de la crise. L'autre, c'est Koffi Aké Vincent, originaire de Moossou. Son épouse fait partie des héritiers de la cour où loge Assouan Stanislas. A ce titre, elle collecte les loyers chaque fin de mois et verse les fonds aux autres héritiers. C'est du moins ce que soutient M.Assouan qui loue sa maison à 10.000F le mois. A ce jour, il cumule trois mois d'arriérés. C'est sa façon à lui de compenser les 30.000F qu'il dit avoir dépensés pour renouveler la porte de sa maison. L'épouse de Koffi Aké qui n'entend pas les choses de cette oreille a réclamé son argent. Toute chose qui provoque une dispute entre les deux. Koffi Aké que nous avons rencontré en première position accuse le locataire d'avoir qualifié son épouse de « pute » au cours de cette altercation. Chez les Abourés, dit-il, cette injure équivaut à l'adultère et doit être réparée par une amende prévue par la coutume. Il a alerté sa génération, la génération N'Noé, actuellement au pouvoir à Moossou. Celle-ci a adressé une convocation à Assouan Stanislas. La version de ce dernier est toute autre. Il rétorque que l'épouse de Koffi a été la première à lui adresser des injures graves : «Elle m'a dit qu'elle est la fille d'une femme qui n'a connu qu'un seul mariage. Elle m'a dit cela parce que ma mère en a connu quatre. C'est ainsi que je lui ai répondu qu'elle ne reflète pas l'image d'une femme qui n'a connu qu'un seul homme.» Assouan déclare n'avoir pas répondu à la première convocation parce qu'elle ne portait, à l'en croire, que le nom de sa famille. « Pour moi, c'était une affaire entre nos deux familles »se défend-il. Une autre convocation lui a été adressée pour le 15 février. Il était prêt, dit-il, à honorer celle-ci quand est survenu l'incident d'hier qu'il considère comme un enlèvement manqué. Pendant que les deux jeunesses se préparaient à l'affrontement, leurs parents étaient dans des conciliabules pour un dénouement pacifique. En effet, lorsqu'il a appris que cinq jeunes de Moossou étaient ligotés, le préfet de Grand-Bassam, Gninia Bernard, est allé aussitôt à la rencontre de la notabilité N'Zima pour la supplier de les défaire. Il craignait cette punition affecte leur santé ou leur cause un dommage corporel grave. Après cette première démarche qui s'est soldée par un succès, l'administrateur local s'est rendu auprès des notables de Moossou pour leur présenter la situation qui prévalait. Ayant visiblement admis que la première descente de leurs enfants était une faute, les chefs Abourés ont décidé d'aller présenter des excuses à leurs homologues N'Zimas. Ils sont arrivés au quartier France autour de 13 h. La rencontre s'est déroulée en toute cordialité, selon les porte-parole des deux cours royales. Ne sachant rien de tout ce dialogue, les jeunes de Moossou, précisément les membres de la génération N'Noé, ont tenu à venger leurs frères donnés pour morts. C'est au moment de l'affrontement qu'ils apprendront la vérité. Le préfet qui avait à ses côtés le maire et le président du conseil général a réussi à faire venir devant eux deux des cinq « détenus ». Convaincus, ils se sont repliés. Au moment où nous arrivions à Grand-Bassam aux environs de 15heures, les autorités administratives étaient dans la cour royale de Moossou pour poursuivre les pourparlers. Au cours de cette rencontre, le président du conseil général de Grand-Bassam, Akoï Innocent a estimé que ce qui s'est passé hier n'était qu'une étincelle qui a révélé le feu qui couve entre les deux peuples. Nous apprendrons alors qu'il existe une rivalité entre la royauté Abouré et la royauté N'Zima. Ce problème a même fait l'objet d'une réflexion dirigée par le préfet qui a promis de publier incessamment les résolutions arrêtées. En attendant, le président du conseil demande au deux rois de s'enfermer pour un dialogue direct.


Cissé Sindou

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