samedi 9 février 2008 par Nuit & Jour

Le vendredi 1er février dernier, à l'ouverture des travaux du 2e congrès ordinaire de son parti, le président du RDR, Alassane Dramane Ouattara a invité les ex-rebelles ivoiriens à rejoindre les rangs de son parti. Une main tendue diversement interprétée mais qui traduit en réalité la revanche politique de Ouattara sur Guillaume Soro dont le mouvement a cousu son costume actuel dans le bastion du RDR.

C'est le bal des sorciers, pourrait-on dire. A la surprise générale, le gouverneur honoraire de la BCEAO a ouvertement demandé aux membres de l'ex-rébellion lors du 2e congrès ordinaire du RDR de pêcher dans les eaux républicaines. Alassane Ouattara qui se présente désormais comme le carrefour de toutes les sensibilités ivoiriennes ne voulait pas faillir, à cet effet, à sa réputation de ''dragueur'' politique. Ouattara qui sait que depuis le 19 septembre, les ex-rebelles occupent la partie nord du pays, bastion de son parti, veut maintenant couper le lien affectif qui existe entre la base militante de son parti et la rébellion. En effet, c'est par centaines que militants de base et cadres du RDR ont rejoint les rangs de la rébellion. Au plan militaire en effet, les Forces Nouvelles ont puisé le gros de leur effectif, dans les rangs des républicains. Si bien que les rares responsables de base de ce parti restés sur place avaient du mal à coordonner les activités du RDR sur le terrain. Même dans l'aile politique et dans l'administration des FN, c'est par dizaines que des militants de ce parti ont pris l'engagement d'émarger à visage découvert dans la rébellion. Depuis donc le déclenchement de la guerre, ces militants ''naturels'' du RDR qui par souci régionaliste ont rallié la rébellion, y ont aujourd'hui ''poussé racines''. Si bien que certains parmi eux s'expriment plutôt " en FN qu'en RDR ". Une attitude mal digérée par des hauts cadres de ce parti qui y décèlent une man?uvre politicienne de Guillaume Soro qui se construit un destin de présidentiable. Donc une pièce de recharge très crédible pour l'après Ouattara. Or dans cette course de l'après Ouattara pour le leadership du nord, des figures emblématiques du RDR se signalent. Amadou Gon Coulibaly, l'actuel n°3 du RDR, ne fait plus mystère sur ses ambitions de briguer le gouvernail de leadership du nord après ADO.

Les dessous de l'invite de Ouattara
Il a déjà démontré cette volonté par personnes interposées issues des rangs des Forces Nouvelles. L'on se rappelle encore à ce propos, les divergences d'opinions entre les cadres de la rébellion. Lesquelles avaient une forte option de traduire dans les faits, la transformation d'une part des FN en parti politique et d'autre part de se laisser dicter les règles du jeu par des cadres du RDR tapis dans l'ombre. Cette politique de transformation des FN était d'ailleurs soutenue par le n°2 de l'ex-rébellion Louis André Dacoury Tabley transfuge du FPI. Dacoury n'était d'ailleurs pas seul. Il était soutenu par d'autres courants qui réclamaient une indépendance politique des FN. La conséquence immédiate de cette politique de ''renouveau'' ne tarde pas à donner des effets. Courant 2006, des fiches de comités de résidants (format comité de base de parti politique) sont distribuées sous le manteau à travers la ville de Bouaké. Abel Djohoré, un cadre des FN est tenu de veiller au recrutement des jeunes. Selon ses concepteurs, le comité de résidants n'a rien de politique. " Mieux, c'est une manière pour (nous) d'encadrer la jeunesse afin de l'aider ". En mars 2007 à la faveur de l'accord politique de Ouaga, le ministre des infrastructures économiques ivoirien a fait la promesse à Guillaume Soro d'engager une opération de profilage de la voirie dans la ville de Bouaké. L'offre vaut la chandelle. Et les premiers recrutés dans le cadre des comités de résidants qui sont pour la majorité des militants du RDR seront les mieux lotis. Parallèlement à cela, des cadres et non des moindres nourrissent des ambitions politiques. A Bouaké par exemple, des figures emblématiques de l'aile militaire et de l'aile politique sont annoncées comme candidates sous la bannière indépendante ou colistiers lors de toutes les élections régionales et municipales. Comme une traînée de poudre, cette option a également gagné tous les autres commandements de l'ex-rébellion. Et Guillaume Soro, semble-t-il, n'a plus la maîtrise de ses hommes. Lui-même est ouvertement accusé par une bonne partie de la direction du parti d'Alassane Ouattara de vouloir affaiblir le RDR en encourageant ce genre d'initiatives politiques dans ses rangs. Ce que réfute le concerné lui-même qui renvoie la balle à son ''bienfaiteur'' (le RDR) en ces termes : " Il est évident qu'à un moment de la lutte, (nous) nous sommes retrouvés sur la même longueur idéologique avec le RDR. C'est certainement cela, qui nous a valu le soutien d'une bonne partie de nos populations dont la majorité voue un culte au personnage politique d'ADO ". Mais cela a-t-il calmé les ardeurs des hommes de Ouattara ? D'autant plus que les velléités de briguer des postes électifs sont de plus en plus persistantes chez les FN. Cette légitimité citoyenne dérange beaucoup Ouattara, qui compte pour le reste malgré tout, des milliers de sympathisants et de militants dans la rébellion. Une raison de plus de les libérer, en leur permettant de s'exprimer sans crainte. En demandant donc ouvertement aux FN de rejoindre son parti le 1er février à l'ouverture du 2e congrès de son parti, le Dr Alassane Dramane Ouattara veut couper l'herbe sous les pieds de Guillaume Soro et ses amis. D'ailleurs Dacoury Tabley l'adjoint de Soro a compris la main tendue politique d'ADO. C'est pourquoi il a affirmé en début de semaine que : " c'était un acte politique courageuxMais les FN ne sont pas seulement composées que des militants du RDR ". Comme pour dire que le mouvement n'ira pas à cette invite, à la tête du client. Le débat est donc relancé et Ouattara peut en récolter les premiers fruits. D'autant plus que sa sortie continuera pendant longtemps encore de remettre au goût du jour, la transformation des FN en un parti politique. Mais avec quelle base ? En tout état de cause, ADO a réussi à mettre le ''feu? dans son jardin qu'il ne contrôle plus depuis le 19 septembre 2002.
(par Brahima Gollé)

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