vendredi 8 février 2008 par Nord-Sud

Le leader de l'opposition burkinabé jette un regard sur la dernière réunion du Cpc à Ouagadougou et analyse la situation politique en Côte d'ivoire.

?La dernière réunion du Cpc a eu lieu à Ouagadougou. Quelle lecture faites-vous du communiqué final ?

Le communiqué final, comme les appréciations qu'en ont fait les cinq acteurs principaux de l'accord, laisse entrevoir que le processus de Ouagadougou connaît une mise en ?uvre plutôt positive au point que le souci maintenant, pour tous, est à l'organisation d'élections libres, transparentes, sans contestation. On ne peut pas être plus royaliste que le roi !

?Les protagonistes ont réaffirmé leur engagement à organiser les élections en juin. Croyez-vous ce délai raisonnable ?

N'étant pas sur le terrain et pas davantage dans le secret des dieux, il me manque forcément des éléments d'appréciation. Je note seulement l'impatience des uns et des autres, à commencer par le président Laurent Gbagbo, à aller aux élections pour fermer définitivement la porte à la crise.

Mais permettez que je reste tout de même prudent autour de la tenue vaille que vaille des élections en juin. On ne tient pas des élections tout simplement pour les tenir. Si le processus démocratique en Afrique, de l'avis même de la Commission de l'Union africaine, est sorti de son lit, c'est notamment parce qu'il a souvent méconnu cette règle essentielle. Les consultations électorales en Afrique sont si galvaudées, si dépréciées par l'impréparation, les manipulations, qu'on en arrive à les considérer comme un pis-aller, un exercice de pure forme, avec malheureusement la caution de bien de partenaires qui, au fond d'eux-mêmes pensent que les Africains n'étant pas mûrs pour la démocratie, il faut leur laisser tout le temps de se faire les dents au travers d'élections même bas de gamme.

Mais quand on connaît les difficultés de relance d'un pays qui comme la Côte d'Ivoire sort d'une guerre, quand au surplus on est au fait des phénomènes?visibles et invisibles- qui dans ce pays, jouent en freinage pour garder le statu quo plutôt que le cap de la franche sortie de crise, on ne fait pas de fixation absolue sur la date des élections. A moins d'avoir des idées derrière la tête

?Nombre d'observateurs redoutent une élection à la kenyane. Quels conseils pouvez-vous prodiguer aux acteurs politiques ivoiriens pour éviter un tel scénario ?

Au Burkina Faso aussi, on redoute cette perspective pour la Côte d'Ivoire. Il y a par contre une différence de taille entre les deux pays : le Kenya est au bord d'une guerre civile, il n'en connaît pas encore toutes les conséquences extrêmes ; la Côte d'Ivoire sort d'une guerre civile, elle en connaît les affres. Cela peut aider à refouler le retour aux vieux démons.

De mon point de vue cependant, il faut concrétiser très rapidement la réunification du pays, de l'armée, le redéploiement de l'administration sur l'ensemble du territoire national, il faut rétablir l'Etat dans ses droits et privilèges et pour cela, il faut la compréhension, le soutien des pays voisins, des partenaires et des communautés vivant en Côte d'Ivoire. C'est du reste toute la raison d'être de la facilitation de la Cedeao qu'assume Blaise Compaoré et des structures au travers desquelles les partenaires concourent à la mise en ?uvre de l'Accord de Ouagadougou. Là se joue une partie d'extrême délicatesse puisqu'elle concerne le Ddr dans ses dimensions psychologiques, financières, professionnelles, sociales D'où l'importance pour les bailleurs de fonds, à ce stade, de ne pas laisser les Ivoiriens en plan mais de mettre franchement la main à la poche, comme promis. Il y va de l'avenir de tout le processus.

Ensuite, il faudra ?uvrer pour obtenir un consensus solide autour de toutes les étapes du processus électoral à proprement parler, qu'il s'agisse des conditions générales de préparation du scrutin, de la votation ou de l'opération de comptage des voix. La protection du scrutin de toute manipulation devient ici la condition de la pacification définitive.

C'est pourquoi aussi, à travers notre secrétaire national chargé des Burkinabé de l'extérieur, Dominique Gnissi (également président du Mouvement de la Jeunesse/Undd de Côte d'Ivoire), nous n'avons de cesse d'exhorter les Ivoiriens d'origine burkinabé qui peuvent voter, à le faire utilement, que nous demandons pareillement à nos compatriotes qui y vivent d'éviter toute ingérence électorale et de ne pas prétendre à des droits électoraux qu'ils n'ont pas. Pour notre parti, leur souci doit surtout être de lutter pour obtenir le droit de vote à partir de leurs pays d'accueil pour les scrutins intéressant leurs pays d'origine, de ne rien faire qui puisse, après les avoir fait apparaître pour des mercenaires armés, les assimiler à ce stade à des mercenaires électoraux.

Mais il faut reconnaître que par rapport à bien de pays et par rapport à son propre passé politique, la Côte d'Ivoire a enregistré des avancées notables. Non seulement tous les candidats y compris Alassane Ouattara peuvent se présenter mais des dispositions pour la transparence des scrutins, que demandent en vain beaucoup d'opposants -notamment burkinabé- existent en Côte d'Ivoire. Par exemple, l'instrument qui contrôle le processus électoral de bout en bout, la Cei, est en majorité composée d'éléments de l'opposition, ce qui est sans précédent ! Au Burkina, c'est le pouvoir qui est supra majoritaire dans la Ceni via notamment des structures liges.

Autre chose : la gestion des opinions dans les médias et surtout d'Etat, ne souffre pas des mêmes discriminations qu'on constate ailleurs et notamment chez nous.

On ne peut pas dire aussi que l'on ait rechigné à prendre des mesures pour protéger le scrutin des falsifications coutumières en Afrique : ainsi, alors que bien d'opposants le demandent en vain, en Côte d'Ivoire, il a été accepté un seul document d'identification pour la votation, en l'occurrence une carte d'électeur comportant la photo de son détenteur.

D'un autre côté, la philosophie comme le montant du financement des partis politiques n'a rien à voir avec ce qui a cours dans bien d'autres pays.

Je pourrais continuer longtemps comme ça. En vérité, au point où nous sommes, ce qui à mon sens devrait être surveillé comme le lait sur le feu, c'est encore une fois l'ingérence électorale, cette tentation de vouloir perpétuer le conflit sous d'autres formes en amenant des électeurs qui n'y ont pas droit, à avoir la carte électorale pour contrecarrer la vérité des urnes.



?Laurent Gbagbo s'est beaucoup rapproché aujourd'hui de son homologue burkinabé. Cela suscite beaucoup de commentaires. Quel est le vôtre, vous qui aviez également de bons rapports avec Gbagbo ?

S'il y a quelqu'un au Burkina Faso qui peut affirmer qu'il est satisfait de ce rapprochement, sans qu'on ne puisse mettre sa parole en doute, c'est bien moi. Je revendique haut et fort le privilège d'avoir non seulement été le premier au Burkina à dénoncer cette guerre et ses dessous cachés mais à dire que tant que Blaise Compaoré ne sera pas impliqué dans le processus de sortie de crise, il n'y aura jamais de paix.

Je l'ai dit au Burkina Faso dans un contexte à couper au couteau, je l'ai dit en Côte d'Ivoire et tout le monde sait ce qu'il en a coûté tant à nombre d'animateurs de l'Undd qu'à moi-même (arrestations, retrait de passeport, lynchage médiatique dans la presse nationale et internationale, déstabilisation du parti, chasse aux sorcières, mise en quarantaine politique, sociale, administrative, économique, parlementaire). Et j'exprime ici ma profonde reconnaissance à tous ceux qui nous ont aidé au Burkina Faso comme à l'étranger, à faire face à cette terrible adversité, et notamment au sage Cheikh Ahmadou Sylla qui m'a fait beaucoup de bien par son soutien au travers de correspondances régulières.

Maintenant, que ce rapprochement entre les deux hommes d'Etat suscite des commentaires, c'est évident ; les gens n'ont pas la mémoire courte. Mais ce qui est important à mes yeux, c'est que le dialogue direct ait enfanté l'Accord de Ouagadougou, donnant l'occasion, par-delà les premiers responsables, aux peuples ivoirien et burkinabé, de renouer un fil qui n'aurait jamais dû être rompu, nous donnant aussi par le fait, raison sur nos virulents adversaires qui nous traitaient d'apatrides.

Ceci dit, nous nous trouvons à une position stratégique du processus de sortie de crise qui ne doit pas tolérer nos états d'âme. Tout doit être fait pour le consolider, le rendre totalement irréversible. Nous ne cessons à l'Undd d'encourager ce rapprochement. Si celui-ci, disons-le, porte très clairement la marque des qualités de dépassement de Laurent Gbagbo, lui qui en dépit de tout, est venu le proposer à Blaise Compaoré, il est le signe également d'une grande intuition politique de la part de ce dernier qui a su taire toute considération, spécialement d'amour-propre, pour l'accepter. Alors, il faut taire les calculs qui pendant longtemps ont plombé la résolution de la crise pour ne pas alimenter le camp de ceux qui rament encore à contre-courant de la sortie de crise pour préserver des filières juteuses ou des moyens de chantage politique.

Je suis pour ma part d'autant plus tenu à cette attitude que j'ai été demandeur de ce rapprochement et que rien n'a changé dans les convictions qui m'ont amené à me prononcer par rapport à la crise ivoirienne comme je l'ai fait et qui justifie le lien qui est né avec le président ivoirien. Alex Bamba, mon frère, que je félicite ici pour sa nomination méritée à la responsabilité de conseiller du Premier ministre Guillaume Soro, est bien au fait de cette position qui est la mienne. Pour être une oreille écoutée de Blaise Compaoré, il n'en est pas moins informé des motivations qui sont à la base de mes prises de position, lui qui Ivoirien aime autant le Burkina Faso que moi Burkinabé, j'aime la Côte d'Ivoire.



?L'un des plus grands soucis de la communauté burkinabé en Côte d'Ivoire était la carte de séjour des étrangers. Elle vient d'être supprimée. Quelle est votre appréciation?

C'est vrai que la carte de séjour, dès son institution, a été la source de beaucoup de tracas, d'humiliation et d'exploitation financière injuste à l'encontre des étrangers, notamment des Burkinabé. Du vivant de mon père, nous avons essayé de prévenir contre les conséquences désastreuses de cette perfide trouvaille qui renflouait certes les caisses du trésor ivoirien mais les grevait en même temps des conséquences de conflits futurs en faisant des étrangers, des proies faciles pour des margoulins de tout acabit. Toutefois, le contexte était déjà pollué par l'effet combiné d'une émigration ayant crevé les plafonds, de la mévente du café/cacao et des tensions corrélatives sur le marché du travail : l'étranger (et spécialement le Burkinabé) était le coupable convaincu de tout cela ; l'erreur après a été, disons-le, de croire qu'on pouvait par la seule force du mépris, du repli identitaire, régler le problème. Toutes choses qui rendaient compliquées les tentatives d'inverser la marche vers l'intolérance et ses exploitations nationales et internationales. Il est heureux qu'aujourd'hui, le cauchemar se soit dissipé : il n'est jamais trop tard pour bien faire.

Mais au-delà de cette mesure qu'on ne félicitera jamais assez, il en est d'autres à mes yeux qu'il faudrait prendre dans l'optique de résorber grandement les suspicions, les phobies qui ont pu naître entre les composantes de la population ivoirienne (nationaux et étrangers) sinon de les dissiper totalement. Il va falloir, en effet, qu'on accepte de mettre sur le tapis, la question de la gestion des flux migratoires, celle si nécessaire du développement de pôles d'intégration dans la sous-région pour promouvoir une intégration solidaire et articulée qui nous préserve de l'afflux anarchique de populations venant de zones déshéritées, en retard de développement (Burkina Faso, Niger, Mali), vers celles offrant beaucoup plus d'infrastructures, d'emplois, bref de développement comme la Côte d'Ivoire. Tant que cette solution ne sera pas abordée avec sérieux, nous risquons de nous retrouver devant les mêmes problèmes de cohabitation et leurs désastreuses conséquences.



?Le président Compaoré, après la crise togolaise, est en train de régler le problème ivoirien. N'est-il pas en train de devenir le président le plus influent de la sous-région ?

Personne ne peut contester que dans l'une et l'autre crise, depuis longtemps Blaise Compaoré apparaissait pour beaucoup comme la personne la plus indiquée pour amener les protagonistes à compromettre. Nul n'ignore en effet les rôles qu'on lui a souvent attribués dans nombre de conflits africains au point que dans une rubrique d'un quotidien célèbre de la place, on a pu l'appeler le petit piment de l'Afrique de l'Ouest . Il connaît le terrain et je ne pense pas qu'il y ait un mérite particulier, pour un poseur de mines, de savoir déminer le terrain qu'il a lui-même miné. L'influence qu'on peut acquérir dans ce genre de médiation doit se mesurer aussi, vous le reconnaîtrez, à ces paramètres.

Cette influence se mesure par ailleurs à l'aptitude -de celui à qui on l'attribue- à faire profiter son propre pays de l'expertise acquise vis-à-vis de la gestion des crises extérieures. Et là, on est loin du compte : si les Burkinabé ne sont pas logés à la même enseigne que les populations du Darfour, que les Congolais, les Somaliens, les Togolais, les Ivoiriens, ils n'en demeurent pas moins en butte aux ravages de la pauvreté en dépit de la croissance positive qu'on dit consolidée ; ils font face à une insécurité grandissante qui sévit dans les villes comme dans les campagnes. Au niveau de la justice, les magistrats, avocats et autres auxiliaires (c'est aussi connu) supportent de moins en moins, la mise sous tutelle de cette institution avec les injustices que cela entraîne dans le quotidien des Burkinabé. Il n'est jusqu'à la chefferie coutumière où on ne trouve maintenant des voix pour prévenir des déviances de notre gouvernance. Ceci sans compter l'armée elle-même qui depuis un certain temps, n'est plus muette par rapport aux déséquilibres qu'on sent en son sein. C'est dire qu'il n'y a pas que les politiques et spécialement ceux de l'opposition qui dénoncent le processus de délitement de la démocratie et qui n'écarteraient pas des facilitations chez nous également pour remettre la gouvernance à flot.

Voilà qui relativise fortement le label qu'on voudrait attribuer à Blaise Compaoré dans la sous région, encore que de mon point de vue, l'influence d'un chef d'Etat ne s'acquiert pas par la seule capacité à résoudre des conflits ou à en provoquer ; elle tient aussi à la puissance économique, financière, technique, stratégique, du pays qu'il dirige et je ne vois pas d'exemple édifiant de continent ou des pays, ayant des capacités limitées, ont pu avoir une influence déterminante par rapport aux plus puissants.



?Ce relatif succès qu'il remporte ne vous fait-il pas ombrage, à vous l'opposant ?

Grand Dieu, vous aurez observé que non pourtant ! Je ne vois pas quel ombrage je pourrais subir sinon qu'une légitime fierté. Celle, je vous le répète, d'avoir vu juste, d'avoir dénoncé, condamné les interventions du Burkina Faso dans les guerres qui ont ensanglanté le Libéria, la Sierra Leone, l'Angola, la Côte d'Ivoire ; d'avoir organisé une marche pour dénoncer le soutien du pouvoir burkinabé à Savimbi et surtout d'avoir souligné que le Burkina Faso ne pourrait bâtir une vraie réconciliation nationale qu'en s'efforçant de réparer les torts que ses dirigeants ont pu commettre à d'autres peuples. N'y sommes-nous pas en ce moment ?



?Depuis une vingtaine d'années, il est au pouvoir. Y a-t-il une alternative à Blaise ?

L'alternative se mesure à la capacité de propositions et de contre-propositions des forces de l'opposition en adéquation avec les attentes populaires.

De ce point de vue, des solutions de rechange existent pour mieux lutter contre la pauvreté en partageant mieux la croissance. Des alternatives existent pour ramener le sens de la discipline dans l'armée en renouant avec un cantonnement juridique et territorial qui la préserve des instrumentalisations politiques de la privatisation, de la clanisation. Des offres existent également pour libérer la justice de l'emprise du pouvoir, pour recadrer d'une façon générale la gouvernance afin de la rendre plus respectueuse des fondamentaux de la démocratie, des droits de l'homme.

Il y a aussi, au-delà des contre-propositions, des hommes crédibles, pétris d'expérience, qui les portent.

Et si ailleurs, on a pu dire sans réaction qu'il n'existe pas d'alternative à des gouvernants collés au pouvoir depuis des lustres, au Burkina Faso, de telles affirmations ont toujours été très fortement contestées parce que les ressources humaines ne manquent pas et parce qu'il n'est pas humainement acceptable de soutenir qu'un homme est irremplaçable.



?Comment se porte votre parti ? Avez-vous revu vos prétentions à la baisse ?

L'UNDD va bien quoiqu'on ait cherché -et qu'on cherche toujours- à faire en sorte qu'il se porte mal à cause de sa pugnacité, de ses propositions jugées impertinentes, de sa façon de bousculer les lignes. Ce n'est pas au moment où il triomphe par la force de ses idées et où la crise est annoncée par la cherté de la vie, la progression fulgurante de la fracture sociale et nationale, la désespérance en la démocratie, qu'il reverrait ses prétentions à la baisse ! Chez nous, il est un proverbe qui dit que Le cheval du mensonge a le départ et la course rapides mais qu'il finit toujours par être coiffé au poteau par celui de la vérité .



?Maître, au fond, qu'est-ce qui fait qu'un protégé de Félix Houphouët Boigny peut devenir un ami de Laurent Gbagbo ?

Ce qui fait que des parents, des alliés de Félix Houphouët Boigny peuvent le devenir : la découverte qu'il y a dans le successeur actuel, malgré des différences de fond, un même sentiment de fierté, d'amour pour la Côte d'Ivoire et pour l'Afrique. Félix Houphouët Boigny aurait tout accepté sauf qu'on touche à sa Côte d'Ivoire. Il n'aurait pactisé avec aucune force et à aucun prix, pour faire couler le sang des Ivoiriens, diviser le pays en deux. C'eût été la consécration de l'inutilité de sa vie. Ce sont donc ces mêmes sentiments que j'ai retrouvés en Laurent Gbagbo à travers cette crise qui m'a ouvert les yeux comme jamais sur la capacité de destruction dont peuvent se rendre coupables certaines puissances via des chefs d'Etat africains, pour perpétuer leur domination sur les pays africains.



?Avez-vous le souvenir de votre dernier entretien avec le père de la nation ivoirienne ?

Si ma mémoire ne me fait pas défaut, c'est dans la nuit du 13 au 14 septembre 1993. C'était à Paris, à son hôtel particulier, quelques trois mois avant son décès. Il ne recevait pratiquement plus. Il m'a fait venir parce que mon père était au plus mal et il voulait me tenir informé des dispositions qu'il pensait utile de prendre.

Je savais en montant les escaliers qui me conduisaient à son boudoir, encombré d'éléments de sa sécurité et de son protocole qui étaient déjà visiblement en attente de l'instant fatidique, que ce serait le dernier entretien avec lui car il était lui aussi au plus mal. L'atmosphère était chargée d'une émotion à vous étouffer.

Mais quand je me suis assis devant lui et qu'il a commencé à me parler de mon père, de politique, il s'est transfiguré. Il était intarissable. Il m'a parlé de Ouezzin Coulibaly, du testament qu'il lui a laissé. De fil en aiguille, il en est arrivé à parler de la décolonisation, des difficultés de l'Afrique, et il était tellement en verve, tellement passionné ! A un moment, le téléphone a sonné ; il a décroché et il a dit -avec une voix fluette de circonstance- à l'interlocutrice qui était une femme (puisque j'ai reconnu une voix de femme) : Oh je suis malade, je ne peux pas pour le moment m'occuper de votre affaire mais je vous ferai re-contacter et il a raccroché pour reprendre le fil de son propos à l'endroit exact où il l'avait abandonné, avec la même tonalité. Je le regardai et j'étais stupéfait de le voir garder aussi intacte, la mémoire malgré l'âge, la maladie, la douleur et surtout la fin prochaine.



?Maître Yaméogo, quel message auriez-vous pour vos s?urs et frères ivoiriens ?

Ce sont des v?ux de Nouvel an, portant sur ce qu'ils attendent le plus que je formule à leur endroit : des v?ux de paix définitive pour eux qui étaient les moins préparés de la sous-région pour affronter une guerre aussi sale qu'injuste.

Je pense à tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, se dépensent sans compter pour rendre irréversible la sortie de crise dont la Côte d'Ivoire a tant besoin mais aussi le Burkina Faso, la sous-région.

J'ai une pensée émue et reconnaissante à l'endroit de Mme Thérèse Houphouët Boigny, ancienne Première dame, qui porte avec une égale dignité, le deuil de son mari et celui du bonheur perdu de la Côte d'Ivoire. Mais heureusement en voie de reconquête.

Pour finir, je remercie votre journal qui a estimé utile de m'approcher et lui souhaite le meilleur pour l'avenir.

Interview réalisée par Traoré M Ahmed


www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023