mardi 22 janvier 2008 par Le Matin d'Abidjan

La filière café cacao beigne dans un désordre total. La situation inquiète. Tout est mélangé. C'est à croire que certains travaillent à cela. Mais en réalité les responsabilités sont partagées. Regard sur une filière qui cherche encore ses repères.

Quand en 2001, le chef de l'Etat remet la filière aux producteurs comme il le leur avait promis, c'était l'euphorie. Mais quelques années après, l'espoir suscité n'est plus de mise. Les acteurs de la filière peinent à convaincre sur leur capacité à donner satisfaction. Méconnaissance des textes, mauvaise foi, règlements de compte ont compromis tous les efforts envisagés. Les structures de gestion de la filière mises en place en 2001 ont toutes failli à leur mission. Le FRC (fonds de régulation et de contrôle) a carrément dévié de son objet principal qui était de soutenir le prix d'achat au producteur. Le fonds de développement et de promotion des activités des producteurs de café et de cacao (FDPCC) a engagé d'importants investissements dans des projets et autres sociétés acquises, dont les retombées, pour le producteur, restent encore discutables. A la bourse du café et du cacao (BCC), on n'est pas encore parvenu à mettre en place un véritable système de commercialisation et d'amélioration de la qualité du café et du cacao pour rehausser le prix d'achat. Globalement, aucun changement notable sur le terrain n'a été constaté. Les producteurs sont restés pauvres, en dehors des dirigeants de structures et leur suite qui se sont mis plein les poches.

L'Affaire FDPCC
L'Etat n'est pas exempt de reproches. Ce qui se passe au fonds de développement et de promotion des activités des producteurs de café et de cacao (FDPCC) est un cas éloquent. Depuis la création de cette structure en 2001, il n'y a pas eu d'assemblée générale (AG). Mais l'on n'en voudra pas aux producteurs. Les textes sont clairs. L'AG est convoquée par l'Etat. La situation restera là quand un décret présidentiel pris le 24 février 2006 annonce la fin du mandat du conseil de gestion du Fonds dirigé par M. Henri Kassi Amouzou pour le 24 février 2007. Les producteurs ne s'y opposent pas. Puisque le même décret dit que l'Etat, à travers les ministres de l'agriculture et de l'Economie et des finances doivent prendre les dispositions nécessaires pour organiser le recensement des producteurs, l'assemblée générale du FDPCC et procéder à l'élection des nouveaux dirigeants. La date du 24 février 2007 arrive. Mais aucun recensement n'est fait, aucune AG, encore moins d'élection. Amouzou relève que toutes les conditions ne sont pas réunies et donc qu'il ne peut pas, logiquement, quitter son fauteuil. D'ailleurs à qui le céderait-il, puisqu'il n'y a pas eu d'élection ? Aussi Amouzou s'explique-t-il difficilement que le FDPCC soit la seule structure concernée par le décret. Il déplore que le FRC (fonds de régulation et de contrôle café cacao) dirigé par Mme Angeline Kili et la BCC (bourse du café et du cacao) dirigée par M. Tapé Do travaillent en toute tranquillité. Alors que leurs mandats ont aussi expiré. Pour les responsables du FDPCC, il s'agit tout simplement d'un complot ourdi contre le FDPCC et son président Amouzou. En face, d'autres producteurs estiment que M. Amouzou fait de la résistance et qu'ils ne le reconnaissent plus comme leur président. Pour eux, un vide juridique s'est installé. Ces derniers conduits par M. Oulaï Tchelan, président du collectif des jeunes producteurs de Côte d'Ivoire arrivent à installer un administrateur provisoire. Mais la bataille juridique durera le temps d'un feu de paille. Le dossier est aujourd'hui sans suite. Il est pratiquement rangé dans les tiroirs. Passons.

Le cas BCC
Le 28 décembre dernier, un nouveau PCA a été désigné en lieu et place de M. Tapé Do, à la bourse du café et du cacao (BCC). Après que le président de l'association nationale des producteurs de Côte d'Ivoire (ANAPROCI), M. Amouzou l'a écarté, deux mois avant, du collège des producteurs au sein du conseil d'administration de la BCC. Tapé Do oppose un refus catégorique. Il s'appuie sur l'article 5 nouveau du décret 2001-667 du 24 octobre 2001 qui a mis en place une assemblée générale composée de 32 producteurs et 16 exportateurs. Ainsi un arrêté ministériel conjoint des ministres de l'agriculture, de l'Economie et des Finances, du Commerce, de l'industrie et de la Promotion du secteur privé, a entériné le 03 août 2001, les listes provisoires des producteurs et exportateurs pour une période de 12 mois. A l'expiration des 12 mois, explique M. Tapé Do, les ministres ci-dessus cités devraient prendre un autre arrêté conjoint pour fixer les modalités pratiques de désignation des représentants des producteurs et exportateurs qui doivent être élus démocratiquement comme le stipule l'alinéa 3 du décret sus visé, en ces termes : Ultérieurement les membres de chaque collège seront désignés démocratiquement par les producteurs et les exportateurs. Les modalités pratiques de désignation sont fixées par arrêté conjoint du ministre de l'agriculture et des ressources animales, du ministre de l'Economie et des Finances, du ministre du Commerce et du ministre de l'Industrie et de la Promotion du secteur privé. Or jusqu'à présent une telle mesure n'a pas été prise par les ministres concernés. Subséquemment aucune élection n'a été organisée pour désigner les nouveaux représentants des producteurs. Aucun autre décret n'a été pris par le président de la République pour remettre en cause le décret qui fonde l'actuelle composition de l'AG des producteurs et des exportateurs de laquelle émane le conseil d'administration de la BCC. Sur cette base, le PCA de la BCC soutient qu'il reste à son poste et que tous ceux qui s'agitent perdent leur temps. L'ARCC réagit le 10 janvier pour débouter M. Amouzou. Dans une déclaration, le Pca de cette structure, M. Placide Zoungrana, indique qu'aucune AG de producteurs ne s'est réunie pour nommer les nouveaux membres du conseil d'administration de la BCC. Pour l'ARCC, M. Tapé Do demeure le PCA de la BCC jusqu'à nouvel ordre et les autres administrateurs demis restent membres dudit conseil jusqu'à renouvellement des organes, conformément aux dispositions réglementaires en vigueur. L'Autorité de régulation rappelle qu'afin de cerner les réelles difficultés de la filière café cacao et de mener une réflexion approfondie sur les potentialités de ces deux spéculations et leur mode de gestion, le gouvernement a lancé une étude stratégique, en liaison étroite avec les partenaires au développement. Par ailleurs, un recensement est en cours, selon M. Placide Zoungrana, pour une meilleure appréciation de la population des producteurs en vue de l'organisation de consultations crédibles devant aboutir à la désignation de leurs représentants dans les différents organes de gestion de la filière. En attendant les conclusions de toutes ces réflexions et des travaux en cours, s'il est vrai que le renouvellement des organes est à l'ordre du jour, il ne paraît toutefois pas opportun pour l'ARCC d'entreprendre des actions de nature à perturber les opérateurs de la filière et à mettre en péril l'équilibre précaire qui prévaut. L'ARCC demande donc à tous les acteurs de prendre toutes les dispositions pour surseoir à tout renouvellement des organes des structures de gestion et à la prise de tout acte pouvant entraver le bon déroulement de la campagne. Elle conclut en soulignant qu'une fois en possession des résultats attendus des consultations et des travaux en cours, l'Etat prendra toutes les dispositions pour faciliter et accompagner tous les changements qui s'avéreront nécessaires.

Dialogue de sourds
Nous relevons également qu'une enquête recommandée par le chef de l'Etat au niveau de la filière est en cours. Et la logique aurait voulu que les acteurs de la filière attendent tous les résultats avant d'engager un quelconque changement dans les structures, comme l'a d'ailleurs recommandé le ministre de l'Agriculture, M. Amadou Gon Coulibaly. Mais les producteurs n'en ont cure. Le problème reste entier. Il y a comme un bicéphalisme. Le nouveau Pca désigné, M. Edoukou Angoua souligne que l'ARCC n'est pas habilitée à intervenir dans cette affaire. Estimant que chaque structure est autonome. Ce sont les délégués de l'ANAPROCI qui ont nommé Tapé Do. Ce sont les mêmes délégués qui l'ont appelé à d'autres fonctions et ont désigné un nouveau PCA , soutient-il. En face, certains producteurs répliquent pour dire que le mandat des délégués de l'ANAPROCI a pris fin depuis plusieurs années. Et que ceux-ci n'ont plus aucune existence légale. Par ailleurs, ils sont nombreux les producteurs qui ne se reconnaissent plus en l'ANAPROCI. Plusieurs structures sont nées et chacune revendique une représentativité de telle sorte que l'ANAPROCI ne peut plus se prévaloir d'être le regroupement de tous les producteurs de Côte d'Ivoire , souligne ce groupe. C'est dire qu'il y a aujourd'hui un discours de sourds entre les producteurs de Côte d'Ivoire. Malheureusement, l'Etat semble observer à distance tous ces remous. Mais au fond, à qui profite cette situation assez déplorable pour le pauvre paysan et pour l'Economie ivoirienne?

Vincent Kouassi

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