vendredi 21 décembre 2007 par Le Patriote

Stade municipal de Bouaké. Nous sommes déjà jeudi 20 décembre. Il est 00h48. Un pick up bondé d'hommes en tenue, surmonté d'une puissante arme de guerre s'immobilise derrière le podium géant. L'engin attise les regards de quelques curieux, mais ses occupants forcent le respect avec leur faciès menaçant. Vêtu de son habituel tongan en bogolan, Tiken Jah Fakoly ravale les marches du podium, s'engouffre dans le bolide, qui déboule aussitôt sur la piste d'athlétisme avant de se fondre dans la pénombre. Sous le regard médusé d'une foule de jeunes. Assoupi sur la pelouse, un jeune homme sommeille tranquillement. Vêtu d'un tee-shirt à l'effigie de Tiken Jah Fakoly, il n'a pas le temps de voir sa vedette s'éclipser, parce que complètement exténué par la fatigue. Deux heures plus tôt, ils étaient plus de 10 000 à se trémousser au son des good vibrations de Tiken Jah Fakoly et de ses musicos .
A Bouaké, le descendant de Fakoly a offert un récital similaire à celui qu'il a donné le 8 décembre dernier au Parc des sports de Treichville : répertoire identique, même enthousiasme scénique. Comme donc à Treich , Tiken Jah Fakoly débute son périple musical par ça va faire mal , dont il fredonne les premières notes en montant les marches du podium. Le foule exulte, lève les bras. Tiken Jah Fakoly enchaîne avec Justice , Foly en hommage aux pionniers de la lutte émancipatrice des peuples noirs. Soutenue par une orchestration musicale harmonieuse, sa voix tantôt rauque, tantôt grave surchauffe les travées du stade, garnies de spectateurs qui jubilent en reprenant en ch?ur les paroles des chansons. Au même moment, sur la pelouse, alors que les commandants Wattao et Vetcho suivent attentivement la prestation de Tiken Jah, plusieurs milliers d'inconditionnels du chanteur sont déchaînés. Les plus fous courent dans tous les sens, quand les timides se contentent de balancer le corps, les yeux rivés sur la scène. L'ambiance monte, monteTiken Jah poursuit, lui, son show et enchaîne les titres : Politiki kèlè , L'Afrique doit du fric , l'Africain Les phrases fortes aussi. Entre deux tours de chant, l'artiste titille les consciences, interpelle la jeunesse sur les préoccupations du continent. Nous sommes fiers de notre africanité. Nous avons des richesses qu'on ne peut pas nous arracher. Dans quelques années, c'est l'Afrique qui va refuser le visa aux occidentaux , clame t-il. L'Afrique ne doit rien. Ils( les occidentaux) ont donné de l'argent à des dictateurs, qu'ils aillent le leur réclamer, pas à nous poursuit Tiken Jah Fakoly. Des propos qui haranguent la foule. Tiken Jah continue de parcourir son répertoire, et l'ambiance monte, monte Des spectateurs sont manifestement intenables. Ils acculent le cordon de sécurité, une bousculade éclate. Le service de sécurité emploie la méthode forte pour contenir la foule : coup de ceinturons par ci, chicottes par-là. Les esprits s'échauffent, la situation dégénère avec quelques jets de pierre. Tiken Jah appelle aussitôt au calme : Ne jetez pas les pierres. Ce n'est pas bien. Restez disciplinés, on va faire le show . Puis, le calme revient. Tiken Jah égrène d'autres compositions notamment Viens voir , exhorte la jeunesse ivoirienne à imposer aux leaders politiques : Si nous leur montrons que nous ne voulons que la paix, ils n'auront plus d'autre choix de nous suivre . Puis, silence. Il invite Ismaël Isaac, Kajeem, Fadal Dey à le rejoindre sur scène. Intenses moments d'émotion : ensemble, main dans la main, ils interprètent le titre Ma Côte d'Ivoire , un cri du c?ur pour la paix en Côte d'Ivoire. Tour à tour, ils appellent à la cohésion, à la cohabitation pacifique entre les Ivoiriens, à travers des chants improvisés. Le show reprend ensuite son cours normal. En 1960, on nous a donnés la photocopie de l'indépendance. Nous, jeunesse africaine, devons réclamer l'original , martèle Tiken Jah Fakoly, avant d'entonner Africa wants to be free . Bien plus, il exhorte les Ivoiriens à l'union et plus de justice. Si tous les Ivoiriens sont traités de la même manière, il n'y aura pas de crise , avance le descendant de Fakoly. Quand il attaque Ouvrez les frontières , l'hystérie gagne le stade. Tiken Jah en profite pour rappeler que la vie en occident est pénible et surtout que son interdiction de séjour au Sénégal n'altérera aucunement son engagement en faveur de la justice et de l'égalité. Entre-temps, la fatigue commence à se faire sentir. Certains spectateurs vident même les lieux. Mais, c'est déjà la fin. Car, Tiken Jah entame le dernier sprint : Un Africain à Paris , Françafrique sont ventilés dans une ambiance délirante Peu avant lui, Fadal Dey, Kajeem, Bêta Simon et Ismaël Isaac avaient, chacun, atténué avec de belles mélodies l'impatience du public. Des talents qui ont humblement accepté, le temps de deux concerts, d'unir leur voix à celle de Tiken Jah pour la paix en Côte d'Ivoire. L'exemple de ces artistes, on l'espère, fera école chez les acteurs politiques
Y. Sangaré,

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