mercredi 14 novembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Commençons par rendre justice au peuple sénégalais. Il y a quelques jours, dans ces mêmes colonnes, j'avais écrit que le président Wade avait décidé de diminuer les salaires des fonctionnaires sénégalais et qu'il ne s'était rien passé, et qu'il ne se passera rien. Eh bien, non ! Il s'est passé que le président Wade a dû retirer sa mesure de ponction des salaires. Parce que tout le monde au Sénégal lui a dit non. Les Sénégalais n'ont pas attendu qu'une ou deux personnes disent tout haut ce qu'ils pensaient tous tout bas. Ils se sont tous exprimés, dans les journaux, dans les radios, sur les chaînes de télévision, dans des réunions, dans des meetings, dans les rues. Les chefs de partis, les syndicalistes, les associations, les ONG, les simples citoyens, tout le monde s'est exprimé pour dire " non " à la mesure du président Wade. Et il a entendu le message. Il y a quelque temps, j'ai rencontré un confrère et ami burkinabé, et je lui ai demandé comment les choses se passaient pour les journalistes dans son pays. Il m'a dit " Blaise nous a foutu une paix royale, à cause de l'affaire Zongo. Parce que chaque jour que Dieu fait, que ce soit dans le pays ou à l'extérieur, quelqu'un lui rappelle qu'on n'a pas encore jugé les assassins de Zongo et qu'on attend qu'il le fasse. Donc il ne peut plus se hasarder à embêter un journaliste, et nous, on lui dit tout ce qu'on veut. " En Côte d'Ivoire, au début de cette crise, un escadron de la mort a assassiné le docteur Benoît Dacoury-Tabley, le comédien Camara H, l'homme politique Emile Téhé et plusieurs autres anonymes. Qu'avons-nous fait pour exiger que l'on retrouve les assassins et que justice soit rendue à toutes ces personnes lâchement assassinées, et surtout pour que ce genre d'escadron de sévisse plus ? Qu'ont fait les artistes, les médecins et tout le reste des Ivoiriens pour que justice soit faite ? Il a fallu que ce soit des voix à l'extérieur qui menacent certaines personnes de justice pénale internationale pour que ces escadrons arrêtent leurs sinistres activités. Depuis lors, que faisons-nous ? Rien. Nous avons tout oublié. En mars 2004, des prétendues forces parallèles ont tranquillement assassiné plus de 120 personnes accusées d'avoir voulu manifester, droit qui leur est pourtant reconnu par la constitution. Qu'avons-nous fait pour exiger justice ? Rien. Nous attendons que ce soit la communauté internationale qui le fasse. Qu'ont fait nos leaders politiques de l'opposition dont on dit qu'ils ont des relais puissants à l'extérieur pour sensibiliser le reste du monde sur ce massacre ? Nous, nous ne sommes même pas capables de commémorer l'anniversaire de ce massacre, pour le rappeler aux Ivoiriens et au reste du monde.
Faut-il s'étonner qu'après cela des étudiants de la FESCI pendent publiquement un de leur camarade, Habib Dodo, violent une de leurs camarades, sans rien craindre ? Ils l'ont fait. Qu'avons-nous fait pour exiger justice pour ce jeune garçon et cette jeune fille ? Rien. Et rien n'a été fait pour sanctionner les assassins que tout le monde connaît. Alors, en toute logique, des gardes républicains se sont permis d'enlever et de tuer Badolo, le jardiner de M. Ouattara. Nous avons tous fait comme si nous n'avions rien vu. Et aucune enquête n'a été menée pour chercher et arrêter les assassins de cet homme que tout le monde connaît. Et c'est dans la même logique de l'impunité érigée en règle de gouvernement que l'on a brûlé des écoles, des centres culturels, que l'on assassine toute l'intelligence de ce pays, que l'on a fait venir des déchets toxiques pour tuer les Ivoiriens afin de s'enrichir avec leurs cadavres, que l'on fabrique des faux billets pour tuer ce qui reste de l'économie du pays, que l'on continue de tuer, de piller le pays du nord au sud. Tant que le peuple ivoirien ne dira pas fermement " non ", on continuera de le voler, de le violer et de le tuer. Les partis politiques se sont finalement réveillés. Saluons le courageux discours du président Henri Konan Bédié à Koumassi. Saluons les courageuses interventions du premier ministre Alassane Dramane Ouattara, du ministre Alassane Salif N'diaye, du député Alomo, du jeune Assalé, de la jeune Christiane Djahué, de Guy Charles Wayoro. Mais tout cela ne produira d'effets que lorsque l'ensemble des Ivoiriens se sera levé pour dire " non " de façon ferme à la dictature qui les avilit. A Bouaké, les populations pillées, spoliées et réduites à la misère se sont levées pour crier leur ras-le-bol. Elles n'ont pas eu peur des fusils. Qu'attendent les enseignants pour signer par exemple une pétition afin que celui qui a fait brûler des écoles et des centres culturels tout en couvrant des étudiants assassins ne puisse pas être reçu à l'UNESCO ? De quoi ont-ils peur ? Qu'attendent les fonctionnaires pour dire non à la réduction de leur pouvoir d'achat à travers l'augmentation des impôts ? Qu'attendent les associations de parents d'élèves pour exiger que la FESCI mette fin à ses crimes contre l'école et contre les élèves et étudiants ? () Et nous, allons-nous continuer d'accepter en silence que l'on joue ainsi avec nos vies, nos dignités, l'avenir de nos enfants, de notre pays jadis si prospère et respecté ? Allons-nous laisser tranquillement M. Gbagbo qui a fini son mandat depuis longtemps s'éterniser au pouvoir sans notre avis ? A quoi servent finalement les mille et un syndicats, associations, ONG et autres regroupements ? A enrichir seulement leurs leaders ? Eh bien, qu'ils sachent que c'est leur pays que l'on tue. Et lorsque la Côte d'Ivoire aura été rabaissée au rang des pays comme la RDC, le Liberia, la Guinée-Bissau ou la Centrafrique, on verra bien à quoi leur aura servi leur enrichissement. Quand on refuse, on dit " non ", a dit Laurent Gbagbo. Tant que les ivoiriens ne diront rien, cela voudra dire qu'ils acceptent la déchéance à laquelle les voue le pouvoir de Laurent Gbagbo.
Venance Konan
email : venancekonan@yahoo.fr

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