mardi 11 septembre 2007 par Le Nouveau Réveil

Je ne traiterai pas M. Mamadou Koulibaly, de rigolo parce que j`ai plus de respect pour lui que son patron n`en a pour le président Bongo, mais tout de même, lorsque le président de notre Assemblée nationale parle, parfois on est obligé de se poser des questions. Le samedi dernier, si j`en crois le compte rendu fait par le Courrier d`Abidjan, M. Koulibaly a candidement dit ceci à Aboisso : "Il y a des néo-houphouétistes qui font comme si le travail que Gbagbo fait est différent de celui d`Houphouët. Non !...Si Houphouët-Boigny était vivant, il aurait honte de ses héritiers. Ils attendent de dilapider l`héritage d`Houphouët alors que nous travaillons à y apporter un plus. Houphouët-Boigny a construit. Nous autres travaillons à poursuivre son ?uvre là où ses héritiers pensent que tout est accompli et qu`ils doivent dormir et attendre le reste de la FranceTout doit être à nous. Arrachons tout ce qu`on nous a volé. Revendiquons notre indépendance économique, et Laurent Gbagbo le fait déjà si bien".
N`est-ce pas étrange d`entendre cela de la bouche de Mamadou Koulibaly ? Depuis toujours cet homme n`a cessé de nous dire qu`Houphouët-Boigny a vendu la Côte d`Ivoire à la France à travers le pacte colonial. Lorsqu`il fut élu président de l`Assemblée nationale, son premier discours fut de dire que pendant quarante ans Houphouët-Boigny avait infantilisé les Ivoiriens. Il a par la suite écrit des livres pour dénoncer le pacte qu`Houphouët-Boigny aurait signé avec la France. Pour lui, tout ce qui nous arrive aujourd`hui, surtout la guerre, est la faute à Houphouët-boigny. Alors, quelle est l`?uvre d`Houphouët que continue Laurent Gbagbo ? Vendre la Côte d`Ivoire à la France ? Non. Gbagbo, lui, a vendu la Côte d`Ivoire aux Libanais et aux Chinois. Tout ce qui a été arraché à la France a été vendu aux Libanais et aux Chinois. Et cela se voit que nous sommes devenus effectivement plus libres. J`aimerais bien que M. Koulibaly nous dise : lorsque l`on accède à la tête d`un pays qui n`a aucun cadre bien formé, aucun enseignant, aucun ingénieur, aucun scientifique, aucun chercheur, aucun spécialiste, en quoi que ce soit, que fait-on ? Sékou Touré a dit "non" à la France. Houphouët-Boigny a dit "oui" à la collaboration avec la France. C`est ce que tout pays qui se sait faible fait. Il choisit un pays plus fort pour l`aider. Après la seconde guerre mondiale, l`Europe de l`ouest, le Japon, la Corée du sud se sont mis sous le parapluie américain. Et c`est comme cela qu`ils ont pu prospérer. Qui d`Houphouët-Boigny ou de Sékou Touré a eu raison, en fin de compte ? Lorsque nous autres nous allions au collège, 90% de nos enseignants étaient des Français. Mais lorsque nous terminions nos études, tous nos enseignants étaient Ivoiriens. Parce qu`entre temps, Houphouët-Boigny s`était donné le temps et les moyens d`en former. On n`a pas fait beaucoup de bruit pour cela. C`est cela l`intelligence. Prendre des analphabètes et les bombarder directeurs ou PCA d`une structure qui commercialise le produit d`exportation le plus important du pays, tout simplement parce qu`il est de la même tribu ou du même parti que le chef, comme le font les Refondateurs est tout simplement idiot et criminel. Et c`est ce qui est en train de faire couler la Côte d`Ivoire. Pendant que M. Koulibaly nous parle d`indépendance, à quoi assistons-nous ? C`est le Burkina Faso qui nous guide aujourd`hui. Nous avons refusé tous les médiateurs proposés par l`ONU pour accepter celui proposé par le Burkina Faso. C`est lui qui nous dit désormais ce que nous devons faire. C`est cela le progrès et l`indépendance vus par les Refondateurs. Au temps d`Houphouët-Boigny, c`était la Côte d`Ivoire qui était le pays phare de toute la région. Nous étions le leader incontesté et envié. C`était chez nous que les autres venaient régler leurs crises. C`était nous qui tirions tous les autres et c`était nous qui imposions notre loi. Où en sommes-nous aujourd`hui ?
Parlons des droits de l`homme. Au temps d`Houphouët-Boigny, la peine de mort existait dans notre droit. Mais Houphouët avait dit que jamais il ne ferait couler le sang sur le sol ivoirien. Et jamais le sang ne coula. Même pendant les années de plomb de 1962-63 où Houphouët fit arrêter tous les intellectuels qui lui cassaient les pieds, on ne déplora qu`un seul mort, probablement par accident. Lorsqu`il y eut la révolte dans le Guébié et que l`armée y fut envoyée pour rétablir l`ordre, selon les recherches faites par un chercheur Guébié lui-même, on ne déplora que 74 morts, y compris ceux tués par Kragbé Gnagbé et les siens. Mais sous votre règne, M. Koulibaly, au moment où la peine de mort est abolie, qui peut compter les morts ? Se passe-t-il seulement un mois sans que le sang ne coule ? Qui peut dresser la liste de tous ceux qui sont tombés sous vos balles ? Non, Koulibaly, n`insultez pas Houphouët-Boigny en comparant Gbagbo à lui.
Mais là où M. Koulibaly nous fait franchement rigoler, c`est lorsqu`il dit sans rire : "Nous autres travaillons à poursuivre son ?uvre là où ses héritiers pensent que tout est accompli". M. Koulibaly, Houphouët avant construit des routes, des écoles, parce qu`il disait que notre libération viendrait d`une bonne formation des jeunes, des hôpitaux. Il a envoyé des gens comme vous, Koulibaly, se former en France. Combien d`écoles votre pouvoir d`enseignants a-t-il construites depuis que vous êtes au pouvoir, M. Koulibaly ? Tout ce que vous avez pu construire, ce sont les "agoras" et autres "parlements" où les jeunes vont s`abreuver de haine. Combien de kilomètres de routes, combien de centres de santé avez-vous construits, vous qui parliez d`Assurance maladie universelle, combien de jeunes avez-vous formés ? Combien ? Vous êtes économiste, donc habitué des chiffres ? Donnez-nous les chiffres, M. Koulibaly. Je vous rappelle que le 4 août dernier, c`est vous-même qui avez écrit dans Fraternité matin que les recettes de l`Etat avaient augmenté malgré la crise, mais que tout était dilapidé par les Refondateurs dont vous êtes l`un des pontes. On vient d`apprendre que votre pouvoir a encore volé près de 20 milliards aux pauvres planteurs de cacao en inventant une fumeuse histoire d`usine aux Etats-Unis. Enfermé dans votre palais, vous déplaçant dans votre limousine entourée de voitures d`escorte et de gardes du corps, vous ne voyez certainement pas la misère dans laquelle vit le peuple que vous êtes censé diriger. Vous n`entendez pas les râles du peuple qui meurt dans les centres de santé construits par Houphouët, faute de soins. Vous ne voyez pas les malades couchés à même le sol. Vous ne voyez pas les millions de personnes qui croupissent dans les bidonvilles, au milieu des ordures, sans eau courante et sans électricité en plein 21ème siècle à Abidjan, et qui doivent se contenter d`un seul repas par jour, pour les plus chanceux. Vous ne voyez pas les milliers de jeunes gens, nantis de licences et de maîtrises, mais contraints de gérer des cabines téléphoniques sur les trottoirs pour survivre. Vous ne voyez pas le nord de la Côte d`Ivoire dont on dit que vous êtes originaire qui se meurt. Non, vous ne pouvez pas les voir. Ce que vous voyez, ce sont vos châteaux, vos hideux monuments plantés à travers les carrefours d`Abidjan, et qui créent les monstrueux embouteillages que nous qui n`avons pas de sirènes devons supporter chaque jour que Dieu fait. Ce que vous voyez, c`est votre beau palais de l`Assemblée nationale que votre Christ de Mama est en train de construire pour vous à 100 milliards à Yamoussoukro. C`est cela que vous appelez continuer l`?uvre d`Houphouët ? Non, vraiment non, n`insultez pas Houphouët-Boigny, M. Koulibaly. Mais je vous comprends. Soupçonné dans votre parti de vouloir vous sauver pour laisser les autres seuls devant le jugement de l`histoire, vous êtes obligé d`en faire un peu plus pour montrer que vous n`êtes pas en train de trahir. Mais si le FPI veut vraiment vous utiliser, je crois que la seule chose raisonnable qu`il devrait vous demander est de vous taire. En attendant que vous trouviez le courage d`annoncer publiquement votre départ de votre navire qui est en train de couler.

Venance Konan, journaliste, écrivain.
Email : venancekonan@yahoo.fr

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