jeudi 21 juin 2007 par Islam Info

Dans cette interview, M. BOHOUN Bouabré Ministre d'État explique l'adhésion de la CI à la Banque Islamique de Développement et les actions de cette banque en faveur de la CI

Monsieur le ministre d'Etat, quel est l'intérêt pour la Côte d'Ivoire de prendre part à de telles assises et d'être membre d'une organisation foncièrement islamique comme on a pu le relever?

La Côte d'Ivoire est devenu membre de la Banque islamique de développement (BID) à l'issue ou à l'occasion de son adhésion à l'Organisation de la conférence islamique (OCI) en 2001.Donc en tant que membre de l'OCI et de la BID, nous devons être présents à l'assemblée annuelle. Au-delà de cette raison de principe, il y a un intérêt pratique.

En effet, la BID est une institution financière internationale qui participe en tant que telle au financement du développement des pays africains, des pays sous développés. Ces pays ont par définition des besoins qui vont largement au-delà de leurs ressources propres. Ils ont dès lors besoin de ressources additionnelles extérieures sous forme de prêts par exemple des institutions internationales. La BID octroie des prêts à des taux concessionnels. Forcément, nous avons donc intérêt à rechercher ces financements-là.

Quels sont ces taux et sont- ils comparables à ceux pratiqués par les guichets FAD de la Banque africaine de développement ou IDA de la Banque mondiale?

Les taux concessionnels de la BID sont comparables à ceux pratiqués par les guichets de la BAD et de la Banque mondiale. Les guichets IDA et FAD sont effectivement ceux qui proposent des crédits à des taux concessionnels. Au sein de la BID il y a un guichet de ce type et la Côte d'Ivoire est éligible à ce guichet. Les taux d'intérêts sont généralement autour de 1% ou 1,5% et les délais de remboursement vont au-delà de quinze ans. Donc c'est intéressant pour nous de bénéficier de ces financements.

Quel est le montant cumulé des prêts octroyés par la BID à la Côte d'Ivoire à ce jour?

Il faut faire les calculs mais en tout état de cause, je peux vous révéler que cette banque est impliquée dans le financement de l'autoroute du nord. C'est elle qui finance la première tranche. La deuxième et la troisième tranche sont financées également par des partenaires du monde arabe dont le Fonds saoudien, le Fonds koweïtien, la BADEA.

En plus de cela, la banque finance le secteur privé. Nous sommes là dans le cadre de ces assises avec des opérateurs privés qui sont venus solliciter des prêts d'un montant total de 9 millions de dollars, soit un peu plus de 4 milliards F CFA. La BID a en outre appuyé le financement des intrants agricoles, notamment dans la production du coton.

Au total, c'est un partenaire nouveau pour nous. On n'a aucun antécédent et les financements que nous obtenons sont des flux nets ce qui n'est pas le cas avec d'autres bailleurs. Avec les institutions de Bretton Woods par exemple, nous recevons des prêts mais nous devons dans le même temps rembourser des prêts de sorte qu'en terme de flux net nous ne sommes pas avantagés. Ces flux nets positifs représentent pour nous un intérêt majeur certain.

La BID semble plombée par un problème majeur, celui de sa lenteur administrative décriée au cours de ces assises. A titre d'exemple l'autoroute du nord en Côte d'Ivoire. Qu'est-ce qui explique cette inertie relevée depuis bientôt quatre ans?

Premièrement, nous sommes nouveaux donc nous ne sommes pas rôdés. Nous avons besoin de temps pour nous habituer aux procédures de la BID notamment les appels d'offres qui sont relativement différents de ce qu'on constate dans les autres institutions.

Deuxièmement, il y a un problème d'organisation interne. Visiblement la BID n'a pas développé une trop grande capacité pour encadrer des pays comme les nôtres qui sont nouveaux. Nous sommes donc obligés de développer beaucoup de contacts directs pour faire avancer les dossiers.

La BID est une banque comme les autres et en tant que telle, elle doit entourer ses décaissements d'un minimum de précautions.
Dans le cas de l'autoroute du Nord, il faut en outre retenir qu'après sélection par appel d'offres des opérateurs, l'offre financière qui avait été faite dans certaines conditions précises a enregistré une modification. Il y a eu un surcoût à cause des fluctuations du cours du dollar. Il a fallu prendre en compte cette évolution nouvelle. Il y a donc un complément de financement qu'il a fallu rechercher.

Quels sont les enseignements à tirer de cette 32e assemblée et plus spécifiquement de la réunion des gouverneurs africains sur la déclaration de Ouagadougou qui s'est tenue le lundi 28 mai?

La déclaration de Ouagadougou a permis de mettre en place un fonds de 2 milliards de dollars. Au cours de la réunion des gouverneurs, la direction de la banque a fait le point en faisant observer que 83% de ce budget a été consommé. Il ne reste plus que 17% à consommer. Donc, plus grand-chose. L'enseignement que nous avons tiré, c'est que les cinq années qui avaient été initialement prévues ont été suffisantes pour consommer ce crédit en appui au développement des pays africains. Cela veut dire que si on prend une disposition dans ce sens on a la capacité de la mettre en ?uvre. La deuxième leçon c'est qu'on a pris conscience que ce fonds a été utile et qu'il faut mettre en place un nouveau mécanisme pour poursuivre la solidarité. C'est en prévision de la fin de ce fonds qu'a été lancé le Fonds de lutte contre la pauvreté doté d'un budget de dix milliards de dollars à mobiliser. C'est un fonds de solidarité destiné à la lutte contre la pauvreté. Il est en train de se constituer et l'Arabie Saoudite a déjà annoncé qu'il participe à ce fonds à hauteur d'un milliard de dollars soit un peu plus de 450 milliards F CFA. Tous les pays, même ceux qui pourraient en bénéficier dont la Côte d'Ivoire, sont appelés à annoncer leur contribution. Certains l'ont fait. D'autres pas encore, mais ils peuvent le faire à tous moments. Je crois qu'on est véritablement en train de vivre la solidarité entre les pays membres de la Banque islamique.

Comme c'est un fonds de lutte contre la pauvreté, on espère que le dispositif qui va être mis en place et qui devrait être proche de celui utilisé dans le fonds visé par la déclaration de Ouagadougou, sera renforcé pour que les projets qui seront pris en compte s'adressent véritablement à la population.

Je pense que le c'est bon que les pays africains contribuent à ce fonds. Généralement, leur contribution oscille entre deux et dix millions de dollars. En ce qui concerne la Côte d'Ivoire nous avions déjà fait une annonce à l'assemblée annuelle de l'année dernière au Koweït.

C'est pour cela que nous avons été surpris que les pays qui avaient déjà fait des annonces aient encore une fois pris le micro pour communiquer les mêmes montants. Pour notre part, nous avions annoncé trois millions de dollars et le Premier ministre d'alors avait estimé que cette contribution n'était pas suffisante pour permettre à la Côte d'Ivoire de tenir son rang. Il fallait selon lui, envisager une augmentation. Récemment, la possibilité d'une augmentation de la participation ivoirienne avait été évoquée mais comme entre-temps il y a eu un nouveau gouvernement, nous devons attendre un peu avant de savoir quelle sera la participation définitive à ce fonds. Pour l'instant, elle est de trois millions de dollars.

Que pensez-vous de la création de la Société islamique pour le financement du commerce (SIFC) et la signature de l'accord de siège d'un bureau régional de la BID à Dakar?

La création du bureau régional rejoint celle de l'accélération des procédures. Jusqu'à présent, la banque n'avait pas de représentation en Afrique noire. Ce bureau permet un accès plus facile des utilisateurs aux services de la BID. On salue cette initiative mais il faut aller plus loin.

L'idée, c'est que le niveau des échanges entre pays membres de la BID est faible. Il en est de même de la part des pays membres de la BID dans le commerce mondial. En partant du postulat de base que c'est un problème de financement, on a créé une structure pour financer le commerce. C'est une bonne chose et je voudrais saluer en ce sens l'élection d'un de nos compatriotes au poste d'administrateur représentant le groupe africain. La BID compte trois groupes : africain, asiatique et arabe. Nous sommes très fiers de cela et nous attendons de sa présence des retombées positives à l'occasion de la réunion inaugurale à Djedda comme membre du conseil d'administration

La création de la BID et la présence massive des pays africains dans cette institution, ne visent-elle pas à terme à affaiblir le FMI et à la Banque mondiale et leur faire ombrage?

La création de la BID ne répond pas à un souci de la mettre en concurrence avec d'autres institutions et de leur mettre ainsi la pression afin de les amener à desserrer leur étau. La création de cette banque n'aura aucune influence sur les taux du FMI et de la Banque mondiale. Globalement, l'épargne mondiale doit être captée pour les besoins du développement. Or ce qui se passe, c'est que les pays arabes qui ont les pétro- dollars ne contribuent pas comme ils le devaient au financement des institutions de Bretton Woods qui sont les principaux bailleurs de fonds du développement de l'Afrique donc ne contribuant pas alors qu'ils l'épargne, les petro dollars, il fallait créer un autre cadre ou ils se sentent à l'aise mais ou ils viennent déposer leur épargne. Voilà au plan économique le sens de la présence des pays africains dans le groupe de la BID. Nous on doit regarder et savoir où se trouve notre intérêt pour réaliser telle ou telle activité qui concourt au développement c'est-à-dire au bien-être des populations. Si on sait chercher, on peut accéder à des ressources. Ce n'est pas l'épargne qui manque dans le monde, c'est notre capacité ou notre volonté à la capter et à la mettre au service du développement. Il faut savoir qu'on peut décider de ne pas capter une certaine épargne. Certains pays décident par exemple de composer avec Israël et non avec les Arabes. D'autres font le contraire avec tout ce que cela comporte comme conditionnalités par exemple dans le choix des entreprises prestataires. C'est une question de choix. Pour ma part, je dis toujours qu'il faut développer la mentalité de l'orphelin afin de toujours être maître de notre destin. Mais en même temps, je suis favorable à ce qu'on exploite toutes les opportunités.

Koné Soungalo
Envoyé spécial à Dakar

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