Pierre Fakhoury a organisé une visite guidée des chantiers pharaoniques qui gravent le nouveau départ de la Côte d'Ivoire dans la pierre.
Yamoussoukro, ce chantier que Houphouet-Boigny avait commencé et qui trace les chemins des temps modernes, tout en empruntant sa quintessence aux civilisations d'ici et d'ailleurs, se couvre du prestige de notre propre identité. La vie écrite dans la pierre poursuit son parcours d'Houphouet-Boigny à Laurent Gbagbo après être passé par Konan Bédié. La ville prend corps et célèbre, dans un foisonnement de chantiers, le rêve de grandeur de deux hommes qui savent s'inscrire dans le futur. Monsieur le Président, vous avez rendu le processus irréversible avec ces trois projets pour figer les axes de l'avenir. Soyons tous des Ramsès. Et j'ai besoin de vous tous. Le projet d'Houphouet-Boigny est devenu le vôtre. Hier, la Basilique nous avait projeté dans le temps. Elle avait été rejetée par certains et acceptée par d'autres. Mais elle est là. Ma vraie Basilique, c'est d'être resté ici, dans ce pays mien. Malgré la guerre, vous n'avez pas cessé de croire. Pendant que les armes étaient debout, vous ayez ouvert les chantiers. Montrons au monde entier que la Côte d'Ivoire est debout. Nous allons construire l'avenir. Nous allons construire demain. L'histoire est en route C'est fou que vou m'ayez laissé faire". La réponse du Président de la République à ce lyrisme architectural que nous a fait vivre Pierre Fakhoury hier à Yamoussoukro: Nous sommes deux fous?. Oui, il faut être fou pour penser, rêver, vouloir et construire cette ville futuriste dont les pas embellissent déjà la capitale administrative de la Côte d'Ivoire. Il faut être habité par cette folie constructive qui célèbre l'horizontalité de la vie pour refuser de ramper. Il faut être fou pour rêver son pays dans une posture d'élévation et de projection vers l'infini. Il faut être fou pour construire une ville dans une harmonisation de l'esprit qui s'inscrit dans l'âme vivante du bâtisseur.
A la Résidence du Chef de l'Etat, les invités du jour (les ministres Charles Diby Koffi, Amon-Tanoh, Mel Eg Théodore, Hamed Bakayoko et Sébastien Dano Djédjé, le Directeur général du BNETD, Ahoua Don Mello, le Gouverneur du District de Yamoussoukro, le maire de la ville...) ont eu droit à une visite guidée de la ville à travers des plans nature réalisés par le BNETD. Puis à la projection d'un film sur Yamoussoukro. Nous nous sommes promenés dans une ville majestueuse qui se dresse pour défier le temps. Bâtir, c'est figer le temps dans de la pierre. Nous avons visité l'Assemblée nationale. Nous en sommes sortis rêveurs et saisis par tant de beauté et de grandeur. Le lieu de célébration de la démocratie est un lieu où l'esprit prend son envol pour pousser le corps vers les cimes de la perfection.
La future Assemblée nationale de Côte d'Ivoire comptera cinq cents places. Avec cinq cents bureaux pour les élus de la Nation, ainsi que de multiples salles de réunion modulables. Comme le décrit si bien l'architecte aux cheveux au vent dont les idées fouettent l'imagination avec audace, notre future Assemblée nationale s'inspire d'une écriture contemporaine ouverte sur l'extérieur et intériorisant l'ambiance et l'esprit ivoirien tout en se référant à nos traditions?. Livrée dans trois ans, cette ?uvre drapée dans la beauté à l'état pur sera le reflet de la "dignité et de la sérénité de la démocratie ivoirienne". Sa façade est percée en son centre par un monumental portail d'or par lequel se fera l'entrée solennelle des élus du peuple.
Puis le futur Sénat: Symbolique et fonctionnaliste, conçu pour trois cents sénateurs. En continuité architecturale, l'Assemblée nationale et le Sénat de part et d'autre de la voie triomphale, occupent une position majeure dans le paysage de la ville et sont au c?ur des enjeux urbanistiques et architecturaux?.
Les travaux du Parlement avancent au rythme prévu. Les deux sous-sols sont sortis de terre.Restent les quatre autres niveaux prévus.
Troisième ouvrage visité: le Palais présidentiel. Durée de construction, sept années. Un bâtiment d'autorité majestueux: Le paysage politique du pouvoir exécutif ne doit pas être distrait?, nous dit Fakhoury. Se vautrant dans la luxuriance, il s'élève à 60 mètres dans la perspective de la voie triomphale face à la place de la Concorde. Avec des perspectives qui s'inscrivent dans la nature, entre lacs, forêts (classiques et sacrées) et jardins (africain, asiatique, arabe, anglais et français). Son architecture est poésie et "sa majestueuse entrée domine la vallée de l'abondance, fruit du travail des hommes et des femmes de ce pays et de la terre fertile de la Côte d'Ivoire". Un pont surplombe ce haut lieu du pouvoir pour relier les deux rives dans la symbolique de l'unité retrouvée. Tout autour, des lames de verre tisseront les façades en mosaïque pour chanter les couleurs de la Côte d'Ivoire. Sur 1500 pieux prévus dans la cour carrée, 860 ont déjà été réalisés.
On sort de la visite emplie d'un panaché de sensations. A Yamoussoukro, l'art, l'architecture, la culture, l'esprit et l'âme s'embrassent dans une exaltation imaginative et émotionnelle. Ce qui a inspiré un jour cette profonde réflexion au Président Gbagbo: Le Président Houphouet-Boigny a voulu laisser un témoignage de son attachement à la terre qui l'a vu naître, à son village natal et à la Côte d'Ivoire; mais aussi un témoignage de valeurs auxquelles il croyait: la foi, la paix, l'enseignement et la recherche Nous héritons de ces choix. Nous devons les assumer car ils expriment une part de nous-mêmes. Mais il ne suffit pas de revendiquer un héritage, encore faut-il se rendre digne de cet héritage, en inscrivant l'?uvre de son prédécesseur dans le sens de l'histoire Yamoussoukro est un projet de philosophie politique, un projet de civilisation A Yamoussoukro, c'est l'Afrique réunie que nous voulons affirmer, célébrer. C'est la Côte d'Ivoire, terre d'accueil et de rencontre de tous les peuples?.
La Côte d'Ivoire est debout et Yamoussoukro en est la preuve vivante.
"Voir Yamoussoukro et mourir", diront demain ceux qui auront vu cette ville, le rêve de grandeur d'un peuple qui a toujours su dire non à l'inclination de son âme.
Agnes Kraidy Envoyée spéciale