mardi 10 avril 2007 par Le Nouveau Réveil

Interrogations, déception et inquiétudes, tels sont les sentiments dominateurs chez les Ivoiriens et particulièrement chez les opposants politiques après la publication du nouveau gouvernement. Guillaume Soro semble en effet avoir tout lâché, tout cédé à Gbagbo. Là où on attendait un partage équitable des portefeuilles ministériels notamment ceux jugés stratégiques avec le camp présidentiel, le premier ministre a joué la carte du renoncement, il a considérablement réduit ses marges de man?uvre et sa capacité à constituer un contre-poids réel devant Gbagbo. "Je vais le feinter et le dribbler" lançait Guillaume Soro, il y a seulement quelques semaines lorsque le débat autour de son arrivée probable à la primature faisait rage. On avait alors pensé que l`ancien élève maîtrisait parfaitement tous les tours de magie de son ex-maître et qu`il était le mieux outillé pour l`affronter politiquement. Mais ce 1er face-à-face qui vient d`opposer Gbagbo à Soro avec la formation du nouveau gouvernement montre bien que le dribbleur a été dribblé. Au grand dam de l`opposition. On se demande bien ce qui a pu pousser le premier ministre à accepter une telle configuration ? On se demande bien ce que les Forces nouvelles y gagnent à part la primature ? On se demande surtout comment le premier ministre espère faire jeu égal avec Gbagbo, constituer un contre-poids à son pouvoir quand il renonce aux ministères de la Défense, à l`Intérieur et à la sécurité ? Il n`est même pas fortuit de s`interroger si finalement l`actuel premier ministre est mieux loti que son prédécesseur Banny qui, lui, avait eu au moins le loisir de désigner sur le papier les ministres de la Défense et de la Sécurité ? Que signifiait au demeurant le partage des pouvoirs dans l`entendement des Forces nouvelles ?

Mauvais départ
Alors qu`il séjournait encore à Ouaga après la phase II du dialogue direct qui l`a investi nouveau premier ministre, Guillaume Soro avait confié à certains de ses alliés du G7 qu`il n`avait pas encore été nommé premier ministre. Qu`il n`accepterait le décret de nomination de M. Gbagbo qu`à la condition que ce dernier consente à lui déléguer expressément ses pouvoirs, listés et signés, par le truchement de l`article 53 de la constitution. Deux jours plus tard, Soro atterrissait à Abidjan où il récupérera le décret de nomination de Gbagbo. Sans dire plus sur les fameux pouvoirs qu`il réclamait. On avait pensé que ce silence autour de cette question hautement sensible était volontaire. Et que les 2 acteurs ont décidé d`adopter cette attitude pour ne pas mettre mal à l`aise les partisans du chef de l`Etat. Bien entendu, la seule façon de vérifier si le pouvoir a été effectivement partagé était d`observer sur le terrain la mise en ?uvre de l`accord de Ouaga. La formation du gouvernement que vient du voir le jour était le 1er acte significatif. Et là, force est de reconnaître que certaines attentes ont été déçues. On a même le sentiment qu`il s`agit d`un gouvernement formé par un chef de l`Etat qui vient de remporter les élections. En effet, Guillaume Soro est certes premier ministre mais il relève de la signature exclusive de M. Laurent Gbagbo. Après le premier ministre, viennent dans l`ordre protocolaire trois cadres du FPI. Il s`agit de MM Bohoun Bouabré qui est le seul ministre d`Etat de ce gouvernement (pas de ministre d`Etat pour les Forces nouvelles), Tagro Désiré et Amani N`guessan Michel. L`ancien porte-parole de la présidence de la république devient un homme très fort. Il contrôle désormais la sécurité intérieure et l`administration du territoire donc le corps préfectoral. Depuis feu Boga Doudou, un homme n`avait concentré entre ses mains toutes ces attributions. Le nouveau ministre de la Défense est lui aussi un pur et dur du régime FPI, Amani N`guessan. Koné Mamadou, le ministre de la Justice qui est le 1er de la classe chez les Forces nouvelles, n`arrive qu`en 6e position dans l`ordre protocolaire. Dans ce gouvernement, Gbagbo peut absolument tout faire, c`est lui l`alpha et l`oméga. Il a droit de "vie" et de "mort" sur tout, y compris sur le premier ministre qu`il peut remercier à tout moment. Il s`est approprié toutes les armes pour gagner les élections. Bohoun Bouabré et l`INS contrôlent l`INS, Amani N`guessan et Tagro contrôlent d`une main de fer les FDS et même l`Etat-major intégré qui, apprend-on sera placé sous commandement d`un FANCI. Dans un processus qui annonce à très brève échéance la suppression de la zone de confiance, la levée de l`embargo sur les armes, le départ des forces impartiales, il n`est pas exagéré de croire que ce gouvernement place l`opposition politique dans une situation très inconfortable. Une opposition totalement à la merci de Gbagbo. Les miliciens du régime FPI peuvent aussi dormir tranquilles. Ils pourront être intégrés dans l`armée sans problème. De même, si au soir des élections, Laurent Gbagbo se proclame vainqueur, qui pourra lui dire non ? Qui aura les moyens de lui contester son diktat ? S`il est gentil, il triche pour gagner, s`il ne l`est pas, il se proclame vainqueur et puis il n` y aura rien. Guillaume Soro l`a maintes fois rappelé, les Forces nouvelles ont pris les armes pour permettre à tous les Ivoiriens d`acquérir la citoyenneté et d`organiser des élections libres, ouvertes et transparentes. Avec un tel gouvernement, le premier ministre pense-t-il avoir les armes pour relever ce défi ?
Akwaba Saint Clair

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